Claude Monet se rend une première fois à Étretat en 1864. Il exécute alors deux petites toiles, l’une de la falaise d’Aval et l’autre représentant la falaise d’Amont qui est acquise par son frère Léon Monet1. Dans cette station balnéaire, ancien petit port de pêche, l’artiste trouve une source d’inspiration inépuisable. En décembre 1868, Monet, Camille et leur jeune fils Jean s’installent dans une maison à Étretat et y restent pendant un hiver froid et enneigé. Malgré la dureté de la saison, Monet travaille à l’extérieur : « Je passe mon temps en plein air sur le galet quand il fait bien gros temps ou bien que les bateaux s’en vont à la pêche », rapporte-t-il à Frédéric Bazille (1841-1870)2. Il exécute une seule grande toile, Grosse mer à Étretat , mais dessine plusieurs croquis au crayon noir (D432 et D433) et au pastel. Étretat, Le Perrey et la porte d’Amont (CM2JI8) et Étretat, caloges et caïques qui sont probablement nés de telles expériences sur le motif. Les robustes embarcations en bois qui transportaient les pêcheurs d’Étretat dans la baie sont drapées de filets et de cordes provenant d’une récente expédition en mer. Les caloges font écho aux dessins d’Eugène Boudin (1824-1898), tout en situant sans équivoque ces pastels. Sur ce pastel, la porte d’Amont se dessine clairement dans le lointain entre les caïques et la caloge ; une barque échouée en contrebas rappelle celles bien visibles sur le dessin D432. Dans Étretat, caloges et caïques (Fig. 2), Monet évacue toute référence aux falaises pour se concentrer davantage sur les embarcations posées sur la grève herbue. Ces deux pastels exploitent toute la gamme des possibilités picturales, depuis la différenciation subtile de la mer et du sable jusqu’au travail des textures du chaume et du feuillage. La palette d’une grande diversité chromatique s’étend du bleu délicat du ciel jusqu’aux bois richement patinés des bateaux. Durant ce séjour qui s’achève en janvier 1869, Monet exécute d’autres pastels à Étretat, notamment deux études de falaises3, dont l’une d’elles, Étretat, falaise d’Aval, gros temps (CM0IE5) est très proche du tableau Grosse mer à Étretat. Il faudra près de deux décennies avant que Monet ne reprenne le sujet dans une série de peintures d’une grande liberté de tons et de touches, une première fois en 18834 puis en 18865.
Claude Monet, Étretat, vers 1864, huile sur toile, 27 × 41 cm, W22a. Caen, collection Peindre en Normandie, en dépôt au musée Les Franciscaines, à Deauville, inv. PN 999.3.1/D. 2020.1.58, et Étretat, porte et falaise d’Aval, 1864, huile sur toile, 28 × 49 cm, W22b. ↩︎
Claude Monet à Frédéric Bazille, Étretat, décembre 1868, dans Daniel Wildenstein, Claude Monet. Biographie et catalogue raisonné, Lausanne et Paris, La Bibliothèque des Arts / Wildenstein Institute, t. I, 1974, lettre 44, p. 425. ↩︎
Voir aussi Étretat, falaise d’Amont, gros temps (CM0M9W). ↩︎
Daniel Wildenstein, Monet. Biographie et catalogue raisonné, Paris et Cologne, Taschen / Wildenstein Institute, 1996, W821-825, p. 305-306. ↩︎
Id., t. III, W1024-1025, W1028-1031a, p. 386-390. ↩︎
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