Monet vient de fêter ses vingt ans quand il dessine avec une rare maîtrise de l’espace ce petit croquis au pastel, Sainte-Adresse, vue sur Le Havre. Le jeune homme aime parcourir les chemins des falaises du cap de la Hève à Sainte-Adresse ; depuis ce lieu aride et rocailleux, en retrait de toute activité humaine, Monet apprécie le vaste point de vue sur la ville, l’entrée du port et la baie de Seine. Entre peinture et dessin, ce feuillet illustre l’interaction créative entre les différentes techniques et matériaux. En lui permettant de travailler rapidement, de tester un nouvel angle de vue ou une combinaison de teintes inédite, ou encore de noter un thème d’investigation future, ces études sur papier et toile apparaissent comme des étapes d’un même processus de recherche.
Monet expérimente un modèle structurel qui lui servira par la suite dans ses toiles exécutées le long des côtes normandes. Ce type de composition est caractérisé par des ciels élevés, des horizons prononcés, contrebalancés par des lignes de côte qui soulignent la géométrie sous-jacente de l’image. Cette matrice asymétrique a également servi de base au pastel Sainte-Adresse, vue sur l’estuaire et à d’autres œuvres sur papier exécutées durant ces années 1860, Sainte-Adresse, la pointe de la Hève (cmu2mf) et Sainte-Adresse, vue sur le Perrey (cmoa8n). La luminosité et la richesse de coloris de ce pastel pourraient être rapprochées de ses recherches picturales contemporaines.
Au premier plan, par exemple, des taches énergiques de vert, jaune, ocre et rouge-brun sont assemblées et rapidement appliquées. L’exubérance de cette œuvre semble capter la joie ressentie par Monet à son arrivée à Sainte-Adresse en juin, ainsi que son enthousiasme face aux « superbes paysages marins » également en cours. Une peinture à l’huile de la même période, Promeneurs sur les falaises à Sainte-Adresse , en excluant presque entièrement l’océan, est inhabituel mais fournit toutefois un rapprochement entre les deux médias. La toile et le pastel sont tous deux basés sur la vue du cap de la Hève, le point le plus à l’ouest de la côte, depuis lequel Monet pouvait observer la ville du Havre et l’estuaire et la côte de Grâce au loin.
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