Dans Chemin creux, effet de lumière, Monet affiche une grande maîtrise de la composition ainsi qu’un sens accru de la lumière et des couleurs. Sous un ciel lumineux parsemé de quelques nuages blancs, deux promeneurs s’éloignent sur un chemin forestier, bordé de grands arbres et de futaies. Monet construit son motif autour de deux diagonales qui se croisent, délimitant ainsi quatre espaces, le chemin, le ciel et les bosquets de part et d’autre. Le pastel est tantôt frotté ou estompé pour modeler la masse des feuillages, tantôt disposé régulièrement en traits pour figurer les verticales ascendantes des troncs d’arbres. Dans cette composition dense mais parfaitement structurée, l’artiste use de peu de couleurs et compose son sujet par touches contrastées, entre soleil et ombre. Les touches de pastel blanc alternent avec les bruns ombrés établissant ainsi l’équilibre lumineux. Monet se sert de son médium pour amplifier les éléments texturaux et atmosphériques du paysage.
En février 1882, Monet fait part à Paul Durand-Ruel de sa volonté de séjourner à Dieppe. De là, il s’installe quelque temps à Pourville, situé à 5 km à l’ouest du port de pêche ; puis il revient en famille durant l’été et se met au travail avec une ardeur décuplée. Monet sillonne les falaises, parcourt les chemins côtiers jusqu’à l’église de Varengeville et dessine les pins et les arbres isolés qui se dressent face à la mer. En février 1883, Durand-Ruel organise une exposition Monet dans ses nouveaux locaux du boulevard de la Madeleine. Les collectionneurs se pressent le jour du vernissage pour découvrir les cinquante-six numéros figurant au catalogue où les toiles de Pourville et Varengeville occupent une place de choix. Par son sujet, Chemin creux, effet de lumière présente des ressemblances avec un deux autres pastels, Chemin creux, Pourville (cmpkvs) et L’Orée du bois (cmeehb). Il pourrait également être une étude aboutie pour la peinture Pins à Varengeville , exécutée en 1882.
Ami et mécène de Monet, le docteur Georges de Bellio (1828-1894) est le premier propriétaire de Chemin creux, effet de lumière. À son décès, en 1894, Eugène (1854–1942) et Victorine Donop de Monchy (1863–1958) héritent de sa collection. À cette date, l’inventaire comprend un nombre stupéfiant des chefs-d’œuvre de Camille Pissarro, Pierre-Auguste Renoir, Édouard Manet et plus d’une vingtaine d’œuvres de Monet, dont quatre paysages au pastel estimés 1 500 francs. Le 27 mars 1920, en vue d’une assurance souscrite contre les risques d’incendie, une évaluation des vingt-trois tableaux, pastels et dessins – dont douze Monet – appartenant à M. Donop de Monchy et se trouvant dans son appartement à Paris, 6, rue de l’Abbaye, est établie par les experts G. Duchesne et R. Duplan. La police d’expertise, conservée au musée Marmottan Monet, désigne chaque œuvre de la collection : Chemin creux, effet de lumière est mentionné suivi d’un court descriptif : « À gauche une ligne d’arbre ». Le pastel n’est pas signé ce qui n’a pas d’incidence sur sa valeur notée 5 000 francs, une somme qui paraît aujourd’hui démesurée si on la compare à l’estimation d’Impression, soleil levant qui s’élève à 15 000 francs.
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