Lors de son séjour à Yport, au cours des premiers mois de l’année 1861, Monet préfère aux grands formats peints de modestes feuilles qu’il traite au crayon noir ou au pastel avec, tout à la fois, une composition très élaborée et un grand raffinement chromatique. Si la date qui figure au dos d’un autre pastel, Yport, les grottes (cm92nd), doit être retenue, il importe de préciser que le dessin a nécessairement été exécuté avant le 29 avril, date d’incorporation du jeune artiste dans l’armée. De ce séjour à Yport, l’artiste rapporte quatre pastels, deux petits nocturnes et deux vues diurnes dont cette vue d’ensemble du village, et Yport, les grottes(CM92ND) (voir Yport, la nuit (cmk0g3), et CMMHPB). Sur une feuille de papier disposée horizontalement, Monet multiplie et superpose les plans colorés, recréant l’échelonnement de l’espace qui mène l’œil du vert pâturage du premier plan à la sombre falaise qui ferme l’horizon. Au niveau médian, les toits gris des cottages en bord de mer sont ponctués de quelques rehauts de blancs et rouges qui témoignent de la variété de texture et de couleurs de l’artiste. Ce pastel qui démontre chez Monet, une parfaite maîtrise de l’espace, conserve le caractère spontané de l’œuvre exécutée sur le motif. Véritable œuvre de plein air, ce pastel très élaboré n’a pas été repris en peinture.
Paul Durand-Ruel (1831–1922) acquiert ce pastel en vente publique auprès de maître Chevallier, le 17 février 1894, pour la somme de 205 francs. Le marchand parisien semble particulièrement attaché à ce feuillet qu’il conservera toute sa vie au sein de sa collection personnelle. Il accepte toutefois de s’en séparer occasionnellement et le prête à une première exposition chez Bernheim-Jeune en 1906 avec un autre pastel, Soleil couchant sur la mer (CMWX7W). Les archives Durand-Ruel nous apprennent que l’œuvre, alors intitulée Village au bord de la mer est estimée 2 500 francs contre 1 500 francs pour Soleil couchant sur la mer. Si Durand-Ruel accepte ensuite de l’envoyer à de grandes expositions internationales, à Berlin, Düsseldorf ou Leipzig, il précise systématiquement que, contrairement aux autres prêts, l’œuvre n’est pas à vendre. Elle ne sera d’ailleurs jamais revendue puisqu’elle sera offerte par son fils Joseph Durand-Ruel (1862-1928) au critique d’art Camille Mauclair (1872-1945). Dans une lettre du 22 février 1924, Joseph annonce à la direction de la galerie à New York qu’il vient d’offrir un « tableau » de leur collection particulière à Mauclair afin de le remercier d’avoir dédié son livre sur l’art impressionniste à la mémoire de son père.
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