La plupart des pastels de Monet appartiennent aux premières années de sa carrière, à une époque où l’impressionnisme commence à s’épanouir. Ce feuillet est postérieur à cette période et semble avoir été exécuté durant les années 1880, et plus précisément en septembre 1884. Monet commence à travailler sur la rive gauche de la Seine, au sud-est de Port-Villez, à Jeufosse. Il s’installe sur le chemin de halage, face à l’amont. À gauche, les îles de la Merville et de la Flotte offrent une végétation luxuriante ; à droite, la Seine est ponctuée au premier plan d’ajoncs et d’arbres courbés. Quelques embarcations, barques de pêche et péniches, sont arrimées à la berge. Monet fait preuve d’une grande maîtrise dans le maniement du pastel et d’un sens aigu des couleurs, des harmonies et de la luminosité. Les teintes y sont particulièrement vigoureuses ; le gris-blanc des nuages et le vert vif des arbres environnants se reflètent sur la surface doucement ondulée de l’eau. Ce pastel a été exécuté sur nature comme, selon toute vraisemblance, la série peinte sur ce motif.
Ce feuillet est incontestablement de la main de Monet qui l’offrit de son vivant au photographe Félix Tournachon, dit Nadar (1820-1910). Dès le 25 décembre 1899, Monet demande à son marchand Paul Durand-Ruel de préparer un de ses « pastel ancien », de le mettre sous verre « avec marge et légère bordure en bois naturel à filet » ; Monet précise que « c’est pour faire un cadeau, et il faudrait que ce soit vivement fait »1. Le 2 janvier 1900, le pastel est livré chez Nadar au 51, rue d’Anjou2. Le photographe et sa famille sont absolument enchantés du présent et remercient chaleureusement Monet qui demande à recevoir, en contrepartie, quelques photographies de ce pastel3.
Claude Monet à Paul Durand-Ruel, 25 décembre 1899 : « Je viens encore vous demander un petit service. M. Pierre Sisley vous remettra un carton contenant un pastel et un dessin de Renoir, un pastel de Jongkind, une esquisse de Fantin et un pastel ancien de moi. Je vous serais très obligé de faire mettre sous verre le pastel de moi avec marge et légère bordure en bois naturel à filet ; c’est pour faire un cadeau, et il faudrait que ce soit vivement fait. », dans Daniel Wildenstein, Claude Monet. Biographie et catalogue raisonné, t. IV, Lausanne, La Bibliothèque des arts, 1985, p. 340, lettre 1485. ↩︎
Id., 2 janvier 1900 : «Deux mots pour vous prier de bien vouloir faire remettre mon pastel chez M. Nadar, 51, rue d’Anjou. », ibid., p. 340, lettre 1488.
Claude Monet à Nadar : « Nous sommes enchantés. Tout le monde trouve les épreuves de moi superbes ainsi que les agrandissements… P.S. : Vous recevrez ces jours-ci un croquis au pastel que j’ai fait mettre sous verre. Ce n’est qu’un simple croquis déjà un peu ancien, à titre de sympathique souvenir. », ibid., p. 340, lettre 1489, BnF, Manuscrits. ↩︎
Claude Monet à Nadar, 26 janvier 1900 : «Suis bien content que mon petit pastel vous plaise, mais nous serions bien heureux de recevoir quelques photographies. », ibid., p. 341, lettre 1499. ↩︎
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