De son séjour à Yport en 1861, Monet aurait rapporté quatre pastels, deux vues diurnes et deux petits nocturnes très similaires — ce pastel et un autre . Si les deux premiers pastels ont été justement localisés à Yport, les deux nocturnes sont plus difficiles à situer. On pourrait aussi bien se trouver aux Petites-Dalles, village de la côte d’Albâtre où son frère Léon Monet acquiert un terrain en 1875. La villa étroite et haute, de type balnéaire se retrouve sur la falaise des Petites-Dalles sur les cartes postales de l’époque . Monet choisit le moment où le soleil se couche, répandant à l’horizon ses derniers faisceaux lumineux. Une route sinueuse et montante mène à une villa, dont la silhouette sombre, étroite et haute, se détache à contre-jour sur le ciel bleu-nuit. Ces deux pastels ont été exécutés dans un laps de temps très court ; les dernières lueurs du soleil font progressivement place à la nuit et la fragile source lumineuse éclairant la maison, indique une présence humaine en plein cœur de ce paysage immobile et silencieux. Dans la seconde version, la lumière a disparu et a laissé place à la nuit.
Ces petits nocturnes sont un hommage à la tradition du paysage romantique et évoquent subtilement les paysages consacrés aux moments de la journée, mais aussi aux cycles des saisons et aux âges de la vie, mis en œuvre par le peintre allemand Caspar David Friedrich (1774-1840), dès 1803. À l’instar de Friedrich, Monet utilise une palette de couleurs limitée à quelques bleus-gris. Dans Marée basse au clair de lune , Friedrich baigne son motif dans une obscurité enveloppante seulement ponctuée par la lumière diffuse de la lune brillante qui vient éclairer le rivage et ses rochers ainsi que les voiliers. Monet, de la même manière, accentue les lignes de son paysage et la silhouette noire de la maison par un jeu de contrastes délicats entre ombre et lumière.
Michel Monet a offert ce petit pastel à son ami Maurice Rollin. Les deux hommes se sont rencontrés à Sorel-Moussel (Eure-et-Loir) au début des années 1960. Michel y avait une maison, Les Blondeaux, qu’il a fait construire après y avoir acheté un terrain en 1929. Rollin, qui tenait une galerie rue de Seine à Paris, se rendait régulièrement à Sorel-Moussel pour les vacances afin de visiter son oncle Pierre Rollin. Ce dernier était un amateur de peinture et possédait des œuvres de Paul Signac, Maurice Vlaminck et Berthe Morisot. Maurice Rollin lèguera le dessin de Monet à son neveu et filleul François Rollin.
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