Dans Étretat, l’Aiguille et la porte d’Aval, Monet s’intéresse à l’interpénétration d’espaces de densités variables : la roche solide à gauche, la mer et le ciel évanescents sur la droite de la composition. Monet se situe sur la crête de la falaise d’Amont ; la porte d’Aval et son aiguille demeurent cachées par une profonde anfractuosité de la falaise et ne se découvrent que progressivement. Monet s’est arrêté à mi-chemin, probablement frappé par la concordance de forme entre le piton rocheux à contre-jour du premier plan et l’aiguille se dessinant dans le lointain. Par sa composition verticale, son cadrage insolite et ses tons sourds à dominante de brun et de bleu, ce pastel présente une ressemblance frappante avec les panneaux décoratifs des portes d’armoire de l’auberge Aubourg à Gonneville-la-Mallet. Ces décorations, exécutées en décembre 1885, tendent à proposer une datation identique pour ce dessin.
Célébrée pour la beauté de son site naturel, Étretat fut l’un des territoires de prédilection de Monet. En 1864, il découvre le petit port de pêche devenu au XIXe siècle une station balnéaire à la mode. Il y revient en 1868, puis entre 1883 et 1885. Durant ces années, il y séjourne régulièrement, peignant près de quatre-vingt-dix toiles, s’attachant à représenter le village et les spectaculaires falaises de calcaire . Quand Monet gagne Étretat, en 1885, il a abandonné les sujets urbains pour se concentrer sur les formations rocheuses telles que la Manneporte, la porte d’Amont et la porte d’Aval. Il produit plusieurs versions de cette dernière vue sous différents angles, principalement à l’huile, mais également au pastel comme c’est le cas ici. La scène a une simplicité austère qui rappelle certains Nocturnes des années 1870 de James Abbott McNeill Whistler (1834-1903).
Le baryton Jean-Baptiste Faure (1830-1914) est le premier propriétaire de ce pastel1. Fervent collectionneur des impressionnistes, Faure acquiert de nombreuses œuvres d’Édouard Manet (67), Alfred Sisley (58), Camille Pissarro (37) et Monet (63). Dans le premier carnet de compte de Monet (conservé au musée Marmottan Monet), une mention de Faure fait état d’une première vente en juin 1874. L’amateur acquiert alors quatre tableaux de Monet dont Le Pont d’Argenteuil.
Voir Jean-Baptiste Faure (1830–1914) pour l’histoire de la collection. ↩︎
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