Claude Monet, les pastels
Le motif principal de Ferme normande sous les arbres est un vieil arbre au tronc noueux, couvert partiellement de mousse, qui coupe l’espace en une longue diagonale. À l’arrière-plan, un verger, planté de jeunes pommiers, précède une cour et des bâtiments de ferme à peine visibles sous les frondaisons. Ce pastel évoque certaines esquisses sur bois exécutées par Eugène Boudin (1824-1898) à la ferme Saint-Siméon et dans les environs d’Honfleur, vers 1859-1860 
Eugène Boudin, Cour de ferme, vieux pommiers, c. 1860, huile sur bois. Le Havre, musée d’art moderne André-Malraux (MuMa). © MuMa Le Havre / Florian Kleinefenn. . Ce feuillet pourrait être le pendant’ d’ dessiné à la même époque.
En 1913, Monet fait don de ce feuillet au comte Jacques de La Lombardière (1882-1958), propriétaire de la ferme de la Côte, à Giverny, ce qui pourrait situer cette ferme aux environs de Giverny 
Le verger de la ferme de la Côte à Giverny, photographie. © 2010-2023 Giverny autrefois. . L’histoire de ce don est assez bien documentée. Cette année-là, Monet s’intéresse au motif des peupliers des Ajoux, bordant la propriété du comte. Dans l’esprit de sa série des peupliers des bords de l’Epte (1891), Monet souhaite en 1913 s’atteler à une nouvelle série sur ce sujet. Mais le comte envisage au même moment de faire élaguer les peupliers. Cette décision provoque le mécontentement de l’artiste, qui en fait part à son notaire maître Baudrez. Le 18 novembre 1913, celui-ci écrit à l’instituteur du village Achille Delaplace, afin qu’il intercède auprès de La Lombardière : « Monsieur Monet désirerait bien arriver avec Monsieur de La Lombardière au règlement de la question des peupliers. » Monet précise qu’il souhaite que le comte s’engage à ne pas faire élaguer les arbres qui surplombent sa propriété, ce que ce dernier lui concède bien volontiers.
Une amitié sincère va naître de ce petit différend. D’après Jacques Van Houtte de la Chaise, descendant du comte, Monet aurait offert à son aïeul ce pastel afin de le remercier d’avoir épargné les arbres. Il est assez surprenant que Monet choisisse sciemment d’offrir un pastel représentant un arbre mort au comte. Ce dessin qui plut immédiatement au comte de La Lombardière restera dans la famille jusqu’en 1980, année où il sera vendu aux enchères.