Claude Monet, les pastels
Arbres fruitiers fait partie d’un ensemble d’œuvres – peintures et dessins – qui ont pour sujet la Normandie agricole, ses fermes, prairies et pâturages. Malgré l’enchevêtrement oblique des troncs d’arbres, Monet parvient à créer l’équilibre entre un arbre fruitier lourd de pommes rouges au premier plan et la masse verdoyante d’un verger à l’arrière-plan. En ressort une impression de nature foisonnante, d’abondance et de renaissance qui s’oppose en tout point à l’arbre mort de . Dans ces deux feuillets, qui pourraient même avoir été conçus comme une paire, Monet prend pour sujet l’arbre dans son environnement et adopte un point de vue très similaire, mais choisit toutefois d’opposer deux moments de la vie de l’arbre. Ce verger poétique et bucolique évoque celui peint à l’arrière-plan de Cour de ferme en Normandie ( 
Claude Monet, Cour de ferme en Normandie, 1863, huile sur toile (W16). Paris, musée d’Orsay. © RMN-Grand Palais / Art Resource, NY. et 
Claude Monet, Cour de ferme en Normandie (détail), 1863, huile sur toile (W16). Paris, musée d’Orsay. © RMN-Grand Palais / Art Resource, NY. ) exécutée par Monet en 1863.
Le rapprochement avec les nombreuses esquisses à l’huile qu’Eugène Boudin (1824-1898) exécuta à la ferme Saint-Siméon à Honfleur peut être envisagé. La dette de Monet envers Boudin se ressent dans le sujet et la manière de rendre la nature avec une certaine permanence. Il y a chez Monet, avec l’emploi de couleurs vives, de bleu et de vert puissants, l’utilisation des complémentaires pour teinter les ombres, une volonté de construire une oeuvre forte et originale. Alors que Boudin propose une vision pittoresque de la nature, Monet délivre une réponse personnelle d’une grande audace. Dans sa vision moderne du paysage, Monet transcende son motif au profit d’une recherche plastique inédite où les couleurs puissantes et acidulées prennent le pas sur la représentation. La chaude lumière annonce la fin de l’été ou le début de l’automne et est donc cohérente avec les dernières semaines du séjour de Monet dans la région d’Honfleur, avant son retour à Paris à la fin de l’année 1864.
Plus qu’une étude préparatoire, ce « croquis au pastel » comme Monet aimait à les appeler, a été conçu comme une extension de son répertoire pictural. Si ce feuillet peut être rapproché de Cour de ferme en Normandie, il est bien une œuvre autonome et aboutie. Alors qu’il a beaucoup voyagé et peint des motifs variés, Monet a exécuté la grande majorité de ses pastels en Normandie, région où il s’est formé en tant qu’artiste et à laquelle il est resté fidèle toute sa vie.