Après son service militaire en 1862, Monet séjourne régulièrement chez sa tante Lecadre dans la villa Le Coteau à Sainte-Adresse. Avec la popularité croissante des voyages d’agrément et afin de répondre aux besoins des touristes, la cité balnéaire s’est développée rapidement et a vu fleurir de nombreuses maisons s’étageant dans le vallon. À la tête d’un commerce prospère, Marie Jeanne Lecadre et son mari Jacques sont suffisamment fortunés pour s’offrir une belle propriété dans la petite station devenue à la mode depuis l’ouverture de la ligne de chemin de fer en 1847. Pendant cette période, Monet peint de nombreux paysages dont Rue à Sainte-Adresse ou La Plage de Sainte-Adresse .
Ce pastel Vue de Sainte-Adresse est vraisemblablement exécuté depuis la chambre qu’occupait Monet au deuxième étage de la maison Lecadre 1. Il offre un panorama sur la ville du Havre et la baie de Seine : au premier plan, une rangée d’arbres se profile sur un ciel vaporeux éclairé par le lever du soleil. Les différents plans se succèdent depuis les hauteurs boisées de Sainte-Adresse jusqu’aux eaux miroitantes de la Seine et la côte de Basse-Normandie dans le lointain. Les clochers de l’église Saint-Denis de Sainte-Adresse et Saint-Vincent du Havre sont deux repères architecturaux qui viennent renforcer la profondeur et la perspective aérienne de l’ensemble. La subtilité des demi-teintes et l’atmosphère brumeuse annoncent déjà ce que Monet fera à son retour de Londres, notamment le tableau emblématique de l’impressionnisme, Impression, soleil levant de 1872 .
Ce pastel prépare la peinture Vue de Sainte-Adresse de 1864 ayant appartenu autrefois à Léon Monet, le frère aîné de l’artiste. Georges Dubosc (1854-1927), le célèbre critique du Journal de Rouen, a visité la collection de Léon Monet. Il se souvient de cette vue prise des hauteurs « par une des fenêtres de la villa de Mme Lecadre, avec un premier plan sombre de maisons, où pointe un clocher s’enlevant sur un ciel de couchant gris et rose, rayé de trouées jaunes (petite toile) » 2. Le point de vue choisi pour représenter la ville correspond à celui reproduit dans certains guides touristiques. Monet a opté pour un site pittoresque et comme de nombreux artistes avant lui, notamment William Turner (1775-1851), il s’est certainement inspiré des lithographies qui y étaient publiées. Avant d’exécuter ce pastel, Monet aura certainement vu des gravures du Havre telle que celle de l’illustrateur allemand Ludwig Rohbock (1824-1893), Le Havre. View from the Hill of Ingouville de 1860 .
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